GÉOGRAPHIE
Situé dans la Corne de l'Afrique, c’est l’unique pays de la région sans accès à la mer, avec des frontières communes avec l'Erythrée, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, le Kenya et la République de Djibouti.
Deuxième pays d'Afrique par sa population (91 000 000 hab.), neuvième par sa superficie (1,3 million km2), l’Ethiopie est essentiellement constitué de hauts plateaux, de la dépression de Danakil à -120 m aux sommets enneigés du mont Ras Dashan à 4 543 m.
L'Ethiopie se caractérise par le fait qu’il s’agit du seul pays africain à n’avoir jamais été colonisé.
Constitutionnellement laïque, c’est un pays où de nombreuses croyances coexistent, et la deuxième plus ancienne nation chrétienne au monde (orthodoxes, catholiques, et protestants), après l'Arménie. L’on y trouve aussi des musulmans et des minorités comme les Falachas (juifs) ou les animistes.
HISTOIRE
Berceau de l'humanité, elle est avec le Tchad et le Kenya, l'un des pays où l'on retrouve les plus anciens homonidés, Lucy en 1974 et, en 2003, les plus anciens spécimens d'Homo sapiens.
L'apparition de l'Homo erectus et de l'Homo sapiens dans la région se situe entre 1,7 million et 200 000 ans avant notre ère.
Le royaume D'mt (VIIIe - Ve siècle av. J.-C.) est considéré comme la première forme organisée d'un État en Ethiopie, même s’il existe peu de traces archéologiques de ce royaume qui aurait eu des relations étroites avec le royaume sabéen au Yémen.
Après sa chute, divers royaumes dominent la région jusqu'à l'émergence, au Ier siècle av. J.-C., du royaume d'Aksoum, premier empire important de l'histoire éthiopienne.
Sa capitale, Aksoum, est une ville cosmopolite où vivent Juifs, Grecs, et populations d'Arabie du Sud.
Situé au bord de la mer Rouge, le royaume prospère grâce au commerce, contrôlant les principales routes maritimes passant par la région. L'écriture s’y développe avec l'alphabet éthiopien. Vers 330, Ezana, Négus d'Aksoum se convertit au christianisme, qui devient la religion officielle, adoptée par la population locale majoritairement juive et païenne.
Il décline vers la fin du VIe siècle, avec l’expulsion des gouverneurs aksoumites et des garnisons militaires par les forces locales soutenus par les Perses, et l'expansion de l'Islam.
La destruction par les Arabes du port d'Adulis affecte les revenus de l'Etat, déstabilise l'autorité du royaume et aggrave les troubles internes. Les routes caravanières, insécurisées, sont impraticables, l'accès à la mer plus compliqué et les ressources naturelles s'épuisent.
Le Moyen Age éthiopien
La progression de l'Islam depuis les côtes repousse les Chrétiens vers l'intérieur des terres et diverses parties s'affrontent pour le contrôle du centre du pays.
Vers 1140, les Zaqwés prennent le pouvoir, dominant le nord de leur province avant d’étendre leur contrôle, grâce au soutien de l'Eglise éthiopienne orthodoxe.
En 1270, le dernier souverain zagwé, Yetbarek, est renversé par Yekouno Amiak, qui marque l'instauration de la dynastie salomonide.
Celle-ci perdure symboliquement de façon presque continue jusqu'en 1974, mais sans continuité familiale.
Le pays se développe culturellement et administrativement, et étend son territoire par des guerres contre les sultanats musulmans voisins.
La dynastie salomonide développe le christianisme orthodoxe et la littérature nationale. L'Empire est réorganisé et l’une des caractéristiques de cette période est le déplacement continu de la cour, ce qui permet aux souverains de marquer leur domination sur les responsables régionaux et d'assurer leur contrôle du territoire et des ressources.
Guerre, troubles et déstabilisation
Cette prospérité trouve un terme au XVIe siècle. Les troubles économiques et la poussée démographique des sultanats islamiques conduisent à une guerre entre l'Empire chrétien éthiopien et les musulmans qui, soutenus par les Ottomans, remportent une série de victoires. Pourtant, le cours du conflit change grâce à l’aide des Portugais. Mais le pays, en ruine, est fragilisé.
Les Oromos vont alors migrer vers la partie nord de l'Ethiopie, à l’instar des jésuites, qui imposent le catholicisme au souverain Sousnéyos en 1621. Pourtant les protestations qui déclenchent une guerre civile poussent Sousnéyos à abdiquer en 1632, mettant un terme à une tentative d'occidentalisation d'un pays africain.
En 1632, le nouveau souverain fait construire un château à Gondar, nouvelle ville qui devient capitale du pays et important centre religieux et commercial. C’est le début d’une période de divisions doctrinales de l'Eglise, de percée de l'islam et de luttes contre les offensives oromos.
Un nouvel effondrement annonce l'Ere des Princes, avec, jusqu'en 1855, une série de souverains aux pouvoirs limités, contrairement aux maires de palais et seigneurs locaux, ce qui amène une stagnation économique.
Construction de l'Etat éthiopien moderne
Survient alors un changement, avec la succession de trois souverains importants. Le couronnement de Téwodros II annonce en 1855 le début de l'histoire moderne du pays, avec un processus d'expansion, d'unification et de centralisation. Pourtant, la résistance des notables régionaux devant les mesures adoptées et un conflit avec la Grande-Bretagne conduisent à son suicide en 1868.
Le court règne de Tekle Giyorgis de 1868 à 1871 est suivi de celui de Yohannes IV, moins centralisateur, qui fait progresser la construction nationale.
Cependant, les agressions étrangères après l'ouverture du canal de Suez le détournent de la politique interne, devant défendre avec brio les frontières éthiopiennes contre les Egyptiens, les Italiens et les Soudanais, et il meurt pourtant de ses blessures après la bataille de Metemma en 1889.
Menelik II poursuit l'expansion, l'unification et la modernisation du pays, tout en affrontant les menaces européennes. Un traité avec l'Italie censé assurer la paix et l'amitié entre les deux pays mais notifiant un protectorat débouche sur une guerre en 1895, qui s'achève par la victoire d’Adoua, assurant à l'Empire, indépendance et reconnaissance.
L'Ethiopie du début du XXe siècle à la chute de l'Empire
Dans les années 1910-20, deux souverains très différents se succèdent. En 1913, Ledj Eyassou se rapproche trop des milieux musulmans, ce qui mène à sa chute lors d’un coup d'État en 1916.
Sous Zewditou I, progressistes et conservateurs s'opposent quant à l'ouverture sur le monde, et c’est l’émergence de Tafari Makonnen, nommé régent et prince en 1923, qui fait alors de l'Ethiopie le premier pays africain adhérant à la Société des Nations.
Modernisant les domaines social, économique et juridique, et faisant abolir l'esclavage, il monte sur le trône en 1930, sous le nom de Haïlé Sélassié Ier.
La première Constitution éthiopienne est promulguée en 1931, de nombreuses écoles sont construites, l'économie réformée et le pouvoir politique centralisé. L'Ethiopie est à l'abri d'une invasion coloniale. Pourtant, suite à une défaite éthiopienne contre l'Italie fasciste en 1935, le pays se voit partiellement occupé et une résistance nationale s'organise.
A sa libération, grâce aux forces anglo-françaises en 1941, s'ouvre une nouvelle ère. Haïlé Sélassié Ier reprend les chantiers du début de son règne. Le pays connaît alors une période d'industrialisation et de croissance économique, mais également de diverses rébellions de partout dans le pays jusque dans les années 1960, auxquels s'ajoutent manifestations et grèves.
Dans le contexte de la guerre froide, alors que la politique du Négus est plutôt favorable à l'Occident, le bloc est-européen soutient le mouvement de contestation militaire appelé Derg qui, en 1974, destitue Haïlé Sélassié Ier, renversant la plus vieille monarchie du monde.
La révolution et régime du Derg
Après l’arrestation d’Haïlé Sélassié Ier et de ses dignitaires, grèves et manifestations sont interdites, les étudiants envoyés dans les provinces afin de mener des campagnes d'alphabétisation et diffuser la nouvelle idéologie, d'inspiration soviétique.
Plusieurs entreprises sont nationalisées et un parti unique est mis en place.
Pourtant les partis politiques civils réclament un transfert du pouvoir et le retour des militaires dans les casernes et des affrontements brutaux ont lieu entre 1976 et 1978,
Le régime se radicalise et des classes entières d'étudiants et lycéens sont assassinées. La Terreur rouge a marqué les Ethiopiens, à l’instar des autres peuples du bloc communiste.
Des rivalités ont également lieu au sein du Derg et c'est finalement le lieutenant-colonel Mengistu Haile Mariam qui dirige le pays à partir de 1977.
La même année, envahie par l'armée somalienne, l'Ethiopie remporte le conflit, grâce au soutien des pays communistes européens et de Cuba.
Pourtant, les difficultés militaires, le manque de soutien de l'URSS, en plein écroulement, et les opérations coordonnées des deux principaux mouvements de guérilla (Tigré et Erythrée) au milieu des années 1980, annoncent la fin du Derg.
En 1991, Mengistu fuit le pays et une semaine plus tard, les forces du FDRPE (Erythrée) investissent la capitale.
Le 28 mai 1991, fin du régime du Derg, est devenu un jour de fête nationale.
Ere nouvelle
Jusqu'en 1995, un gouvernement de transition dirige le pays, avec les premières élections multipartites de l'Histoire du pays. Le référendum pour l'indépendance de l'Erythrée voit la victoire des séparatistes et une nouvelle Constitution est ratifiée en 1994.
Cependant, en 1998, l'Erythrée envahit l'Ethiopie et déclenche une guerre qui va durer deux ans, débouchant sur une victoire éthiopienne et créant depuis des rapports conflictuels entre les deux États.
Le gouvernement est également confronté à d’autres rébellions armées, en Somalie où l'Ethiopie est intervenue, en soutien au gouvernement officiel de Mogadiscio, de 2006 à 2009.
En 2012, Meles Zenawi décède après 21 ans au pouvoir et, conformément à la Constitution, Haïle Mariam Dessalegn est désigné comme Premier ministre par la Chambre des Représentants des Peuples.
Origine du nom Ethiopie
Multiple, elle désignerait au IVe siècle le royaume d'Aksoum, avec l'inscription d'Ezana qui traduit Habachat (au visage brûlé) par Aithiops en grec ancien.
Autre version, selon La Chronique des rois d'Aksoum, il proviendrait d'Ityopp'is, fils de Koush ayant fondé la ville d'Aksoum.
Pline l'Ancien, lui, parle d'«Aethiops, fils de Vulcain».
D’autre part, le pays a été longtemps connu sous le nom d'Abyssinie, hebeshe (mélangé en sémite), un terme désignant aujourd’hui la totalité des habitants du Nord de la Corne, Ethiopiens et Erythréens, voire Soudanais.
Famine de 2011 dans la Corne de l'Afrique
Suite à la sécheresse dite la plus dure depuis 60 ans, une crise alimentaire en Somalie, Ethiopie et au Kenya, en menace la vie de plus de 10 millions d'individus. Egalement touchés sont Djibouti, le Soudan, le Soudan du Sud et quelques régions de l'Ouganda.
Les conditions météorologiques de l'Océan Pacifique (avec el Niño) ont interrompu les pluies durant deux saisons consécutives, un manque qui a amoindri les cultures.
En outre, l'instabilité politique de la région (notamment les rebelles islamistes de Somalie), et l'achat de terres agricoles par des investisseurs étrangers (qui favorisent l'exportation et le développement agro-industriel) amplifient la crise humanitaire, empêchant les familles modestes d'avoir accès à une nourriture bon marché.
Le taux de malnutrition atteint parfois 50 % chez les enfants.
GÉOGRAPHIE
Climat
L'Ethiopie dispose d’une large variété de climats, alpin, tempéré, tropical, désertique, selon l’altitude et avec des degrés intermédiaires. Mis à part les régions du Sud-ouest, les autres zones peuvent être également influencées par la mousson de l'océan Indien.
Géographie administrative
Depuis la nouvelle constitution de 1994, l'Ethiopie repose sur un système fédéral et est divisée en neuf régions et deux « villes-régions ».
Géologie
Suite à une fracturation et la collision de trois blocs voici 600 millions d'années, des chaînes de montagnes colossales se forment et s’érodent, faisant place à de basses plaines en marge de l'Ethiopie.
A partir de 250 millions d'années avant notre ère se produit une élévation du nord de l'Ethiopie et un affaissement au Sud.
Puis vers 35 millions d'années av. J.-C. se dessine la géologie actuelle du pays.
La plaque arabo-éthiopienne s’élève brutalement sous l'effet de la montée du magma en fusion, provoquant un effondrement de l’écorce terrestre.
Trois fractures donnant naissance à la mer Rouge, au golfe d’Aden et à la vallée du rift.
Certaines zones (plateau de Danakil au nord-est de l'Ethiopie) s'enfoncent à 120 m sous le niveau de la mer. La mer Rouge envahit cette dépression, et la poursuite des éruptions volcaniques forme ensuite des digues basaltiques conduisant à la formation d'une mer intérieure. Lorsque celle-ci s'évapore plus tard, des lits de sels de plusieurs kilomètres d'épaisseur apparaissent alors.
Langues d'Ethiopie
Six langues sont principalement parlées en Ethiopie, l’amharic (33%), l’oromo (32%), le tigrinya (6%), le somali (6 %), le gurage (3,5 %) et le sidama (3,5 %).
Mais ce sont en tout 80 langues parlées, dont certaines ont moins de 10 000 locuteurs. Certaines restent encore non classifiées mais la majorité appartient soit à la famille des langues afro-sémitiques, les autres à celle des langues nilo-sahariennes.
Peuples d'Ethiopie
Divisés en grands ensembles, ils possèdent comme élément caractéristique, la langue.
Le premier, constitué des peuples habesha (Amhara, Tigré, Agew et Béte Esraél) parle principalement des langues sémitiques.
Le peuple amhara, deuxième démographiquement au niveau national, habite les hauts plateaux, pratique l’agriculture et est de confession chrétienne-orthodoxe. Il parle l’amharic, aujourd'hui langue du gouvernement, après qu’il a joué un rôle important dans la construction de l'Etat moderne au XIXe siècle.
Les Tigrés, également chrétiens orthodoxes, démographiquement deuxième peuple du groupe, parlent le tigrinya et sont installés dans le nord de l'Éthiopie, donc liés à l'héritage aksoumite.
La deuxième entité est constituée par les Oromos (Borenas, Arsi, Gujis, etc.), le premier peuple du pays, démographiquement parlant.
Ils peuplent une vaste zone, allant de la frontière du Soudan à l'ouest, à l’Ogaden à l'est et à la frontière kenyane au sud.
L'élevage bovin représente leur activité principale.
Ils n’ont pas d'unité religieuse, pratiquant le christianisme orthodoxe pour les uns, l’islam pour les autres, et le protestantisme pour une petite fraction.
C’est la langue oromo qui constitue leur union.
A l'Est du pays vivent les Afars et les Somalis, peuples de pasteurs, majoritairement musulmans.
Ils parlent l’afar et le somali. Nomades, ils sont organisés en clans.
Dans le Sud-Ouest vivent les Gurajes, les Kaffas, les Sidamas, les Welaytas (…), peu important démographiquement mais détenant cultures homogènes et organisations sociétales.
RELIGION
La liberté de culte, garantie en Ethiopie par la constitution de 1994, spécifie l'absence de religion d’état.
Christianisme
Dominé par l’Eglise orthodoxe éthiopienne, majoritairement répartie dans les régions des hauts plateaux, il se partage entre Eglise orthodoxe éthiopienne (44 %), protestantisme (19 %) et Eglise catholique éthiopienne (1 %).
Introduit lors de la conversion du roi Ezana d’Aksoum, vers 330 (ce qui en fait le deuxième plus ancien Etat chrétien au monde après l’Arménie), il reflète l'influence du christianisme orthodoxe, avec monastères, architecture, art, peinture (…) au long de l’histoire éthiopienne.
La tentative de missionnaires d'introduire le christianisme romain mène à une guerre civile qui se conclut par l'expulsion des jésuites sous Fasilades.
Jusqu'en 1959, l’Eglise orthodoxe éthiopienne fait partie de par l’Eglise orthodoxe copte puis devient alors autocéphale.
Islam
Sunnite, pratiqué par 34 % de la population, il est surtout présent dans les basses plaines chaudes du Sud et de l'Est, dans les régions de Harar, Afar et Somali, et le Sud de la région Oromia.
Sa présence remonte à l'époque de l’Hégire, exil du prophète Mahomet, vers 622, qui aurait trouvé refuge en Ethiopie.
L'islam s'est ensuite développé dans les régions commerçantes côtières du sud de la corne africaine, le long des routes maritimes.
L'expansion des Oromos vers le nord l’affaiblit un certain, avant que ceux-ci n'adoptent progressivement la nouvelle religion, mélangée à leurs anciennes croyances.
Harar, avec ses 82 mosquées, est considérée, par les musulmans éthiopiens, comme la quatrième ville sainte de l’islam.
Judaïsme
La croyance des Beta d’Israël coexistait probablement avec l’animisme avant l'arrivée du christianisme. Installés depuis l'antiquité dans les provinces de Gondar et du Tegré, dans de petits États indépendants, ils deviennent une minorité marginalisée au XVIIe siècle, lors de la conquête par l’Empire d’Ethiopie.
Les Falashas font abstraction de la littérature rabbinique, en particulier du Talmud. Ils n'ont ni synagogues ni rabbins, et n'utilisent pas l’étoile de David, symbole de la royauté éthiopienne. Leur lieu de culte est appelé masgid.
La version occidentale du judaïsme n’apparait qu’à la fin du XIXe siècle, lorsque la communauté se redéfinit et vient à se considérer comme juive, et plus seulement comme Béte Esraél, notamment lors des opérations de rapatriement vers Israël.
Les particularismes religieux se dissipent, rapprochant les Beta Israël du judaïsme orthodoxe et leurs pratiques séculaires régressent alors.
Le mouvement rastafari
Originaire des Caraïbes, il doit son nom au ras (tête) Tafari Makonnen, couronné en 1930 negus Ethiopie, roi des rois, lion conquérant de la tribu de Juda, sous le nom d’Haïlé Sélassié.
Marcus Garvey a contribué à son développement puis, plus tard, Bob Marley.
Il s’agit là d’un mode de vie plutôt que d’une religion, et d’une attitude critique vis à vis des institutions corrompues.
CUISINE
Elle se caractérise par l'usage l’injera, galette sur laquelle on place ragoût, sauces et légumes.
La variété du climat éthiopien permet de faire pousser divers légumes et féculents tels millet, lentilles, pois cassés, orge, maïs ou coriandre.
La sauce, souvent du wet, se réalise à partir de viande de bœuf, de poulet, d'agneau ou de poisson. Elle peut inclure légumes, pois cassés, pommes de terre, carottes et blettes, et s’accompagne d'oignons et de piment rouges, parfois d'ail, de gingembre, de cardamome, ou de cannelle.
Le t’ella, bière traditionnelle, est brassée à partir d’orge, de malt, ou de houblon et de feuilles de gesho, que l’on emploie également pour la fabrication du t’edj, d’hydromel local.
Le café, originaire d’Ethiopie, occupe une place centrale dans la culture nationale.
Le cérémoniel veut qu’on le serve à l'aide d'une jebena, cafetière locale, après que les grains de café ont été grillés et sentis par les convives. Un tapis de fleurs ou de feuilles recouvre le sol et de l'encens brûle.
SYSTÈME ÉDUCATIF
Laïcisé depuis 1974, il est l’un des domaines privilégiés sous Haïlé Sélassié. L'enseignement y est pourtant encore marqué par l’influence ecclésiastique et la place importante accordée à la langue amharique.
Principalement financé par l'Etat, l'école est gratuite, à côté de laquelle existent des instituts privés, généralement gérés par des organisations étrangères ou des Eglises. Le cursus se compose de six années d'école primaire, quatre années de cursus secondaire et deux années de cursus secondaire supérieur.
Pourtant certains problèmes subsistent, dus à la ruralité de la majorité de la population, qui rend l'accès à une école publique difficile.
Le manque d'effectif et de ressources compliquent de plus la tâche des enseignants. Pourtant, depuis les années 1990, la situation s'améliore, avec un nombre croissant de femmes scolarisées.
Quant à l'éducation supérieure, elle compte 70 % de professeurs détenteurs d’une maîtrise ou d’un doctorat, les autres ayant au moins le niveau baccalauréat.
SYSTÈME DE SANTÉ
L’Ethiopie aurait entre 1 et 2,6 médecins pour 100 000 personnes.
Les principaux problèmes de santé sont dus aux conditions sanitaires précaires et à la malnutrition, problèmes accrus par le manque de main-d'œuvre qualifiée et d'infrastructures de santé.
L’espérance de vie du pays est de 59 ans, avec un taux de mortalité infantile de 68 ‰. Le sida, même si l’on note une réduction du taux de nouvelles infections dans les dernières années, est également très répandu.
Le manque de professionnels de santé et de fonds accordés aux services médicaux amène beaucoup d'Ethiopiens à faire encore appel aux guérisseurs traditionnels.
Le fort taux de chômage les rend incapables de subvenir aux besoins de leur famille et d'acheter des médicaments.
ÉCONOMIE
Ressources naturelles
L'Ethiopie dispose de 65 % de terres arables. D’autre part, 14 rivières traversant le pays constituent des ressources en eau immenses.
En outre, le riche cheptel de 27 millions de bovins, 24 millions d’ovins et 18 millions de caprins place le pays au premier rang continental et au dixième au niveau mondial. Après une déforestation accrue au cours du XXe siècle, des efforts de reforestation ont permis de reconstituer le parc forestier.
Les ressources géologiques sont l'or, le gaz naturel, le fer, l'étain, le lignite et la potasse. Egalement des pierres (opale, topaze, olivine, corindon), des métaux rares et des minerais industriels. Les explorations pétrolières en Éthiopie débutent en 2000 avec l'implantation de la compagnie américaine Hunt Oil. Actuellement quelque 11 compagnies sont présentes dans le pays.
Le café arabica fait vivre 12 % de la population, lors de la période des récoltes, qui s'étire d'octobre à février. Le pays pourrait, dans quelques années, passer du sixième au troisième rang des exportateurs mondiaux de café arabica.
Secteur énergétique
Le potentiel hydroélectrique y est varié : énergie géothermique, charbon, énergie issue des déchets agricoles, bois et énergie éolienne.
Dans certaines régions, les conditions climatiques seraient également favorables au développement de l'énergie solaire.
Un programme public d'accès universel à l'électricité, mis en place afin d'étendre le réseau d'électricité dans les zones rurales, a porté ses fruits.
En 2010, un contrat est signé avec une compagnie chinoise devrait permettre de doubler la capacité de production électrique du pays, permettant l'accès à 70 % des personnes qui ont sont actuellement dépourvues. Il constitue le second plus grand barrage hydroélectrique de l’Afrique subsaharienne.
DRAPEAU
L’actuel est adopté en 1996 mais ses couleurs (reprises par le mouvement rastafari), vert, jaune et rouge, remontent à l'empereur Ménélik II, déjà utilisées pour le drapeau de 1897, un an après la bataille d’Adoua.
Le vert symbolise la terre et l'espoir, le jaune la paix et l'harmonie, et le rouge la force.
Le schéma tricolore existait déjà au début du XIXe siècle, et ces couleurs portaient déjà une signification particulière deux siècles plus tôt encore.
Le drapeau royal était souvent assorti d'un lion de Juda, couronné et portant une croix au centre de la section jaune.
Les emblèmes changèrent selon les régimes, mais les couleurs restèrent constantes. L'étoile sur fond bleu, ajoutée en 1996 après la chute du régime marxiste, symbolise la diversité et l'unité tandis que les rayons qui l'entourent symbolisent la prospérité.
Les couleurs panafricaines sont aujourd'hui utilisées par de nombreux états africains, du fait de l'indépendance de l'Ethiopie alors que l'Afrique était colonisée.
TOUR
30.10.2013
ADDIS-ABEBA (4 millions d'habitants)
Une arrivée au petit matin, 6 heures, avec une Ethiopian Airlines ponctuelle, ce qui semble être plutôt la règle.
Les démêlées habituelles avec les conducteurs de minibus (ou taxi, les requins se débattent dans le même océan) et me voilà à l’hôtel, Taytu, comme l’impératrice éthiopienne, un endroit où la terrasse du restaurant verte contraste avec le gris et blanc pisseux des chambres. Un peu bruyant mais équipé d’Internet, je constate alors que, contrairement à quelques rumeurs du net, l’utilisation de Skype n’est pas prohibée…ou alors je suis passé en ce début de séjour à travers les mailles du filet.
Capitale de l'Ethiopie, située au centre du pays, Addis est la capitale la plus élevée d'Afrique, à 2300-2600 mètres d’altitude, et la quatrième mondiale.
Menelik II et son épouse Taytu Betul s’y installent, en raison du climat d'Entoto, froid et venteux. En 1886, Taytu, y admirant le paysage, s’enchante pour une fleur d'une rare beauté, d’où le nom Addis Abeba (nouvelle fleur en amharique).
Addis se développe alors avec l'implantation de la souveraine, de dignitaires et de soldats, suivis, après la victoire d'Adoua (qui a bouté les Italiens hors du pays), de ressortissants étrangers.
Suite à un incendie en 1892, Menelik décide de bâtir un palais plus imposant que le précédent, entouré d’une cinquantaine d'habitations et équipé d’un système d'approvisionnement en eau. De nouvelles populations de toutes les provinces éthiopiennes s'installent alors à proximité du palais, et, en 1893, Menelik ordonne la construction d’une mosquée pour les Ethiopiens musulmans, fait nouveau dans la capitale.
Addis-Abeba se développe alors autour du palais impérial et de la cathédrale Saint-Georges, centre politique pour le premier, religieux et commercial pour le second. Lors de l'occupation italienne, l’activité commerciale se déplace vers le quartier Mercato.
Des bâtiments publics à l'influence européenne sont construits, l'hôtel Taytu, la banque d'Abyssinie, l'imprimerie nationale (…), suivis de la construction du chemin de fer franco-éthiopien en 1907.
Différentes célébrations impériales ont lieu, dont le couronnement de Haïle Selassié Ier en 1930, faisant d'Addis Abeba une ville internationalement connue.
Lors de l'Occupation italienne, certains monuments de la capitale sont retirés dont la statue équestre de Menelik II, symbole de la bataille d'Adoua, et les Italiens rebaptisent des rues importantes du nom des membres de la famille royale et du gouvernement.
Addis endosse des fonctions politiques internationales depuis 1963, date de création de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) sous le patronat d'Haïlé Sélassié Ier.
Je contacte l’agence de voyage avec laquelle travaille ma collègue, pour quelque aide, non sans mal puisque l’adresse, vague, ne parle pas aux minibus et quelques passagers s’empressent gentiment d’appeler le numéro de téléphone…qui semble invalide !
Je finis malgré tout par y arriver par le biais d’une autre agence. Au final, ils ne m’avancent pas beaucoup plus, si ce n’est qu’ils m’adressent à la compagnie Ethiopian Airlines à Addis, la seule apparemment, à vraiment être en mesure de me communiquer les prix des vols intérieurs. L’attente est longue, et j’en prends quatre d’entrée, l’Ethiopie mesure le double de la France et les routes sont légèrement moins praticables, avant de m’en retourner manger un morceau et m’étendre à 16 heures pour un bon tour de cadran !
31.10.2013
Après avoir récupéré un sommeil légèrement déficient, je débute ma découverte du pays par une visite à Lucy, une bonne entrée en matière, je pense. Un peu dure d’oreille, la vue qui baisse mais la vieille dame est au rendez-vous, dans son musée archéologique, et peut-on lui en demander davantage au bout de 3,18 millions d’années. Il s’agit bien sûr d’un fac similé, l’originale reposant dans un laboratoire quelques pièces plus loin.
Je file ensuite vers le Mercato et commence à avoir le sens des prix des transports, dérisoires certes, mais qui peuvent grimper rapidement lorsque l’on est doté d’une tête de visage pâle.
Ceci se confirme d’ailleurs chez un marchand d’étoffes qui, sur un ton plaisantin, m’annonce deux prix, pour local et pour étranger !
01.11.2013
AKSOUM (50 000 habitants)
C’est ma première étape après la capitale. Dès que j’ai une chambre, je pars en visite avec Muez, qui sera mon bajaj attitré (rickshaw ou tuk tuk local).
Centre religieux de l'Eglise éthiopienne orthodoxe, Aksoum a été le centre de l'empire aksoumite entre le Ier et le VIe siècle, comptant alors parmi les quatre plus importantes puissances au monde.
Le site archéologique des obélisques fait partie du patrimoine mondia de l'UNESCO depuis 1980.
Les grandes stèles marquent l'emplacement des tombeaux des souverains de l'empire aksoumite. Le contenu de ceux non pillés est conservé dans les musées d’Aksoum et d'Addis-Abeba. (1)
En 1937, après l'occupation par les armées de Mussolini, l'un des obélisques a été emmené en Italie et dressé près du Circus Maximus, à Rome. Engagée en 1947 à le restituer, l'Italie ne l’a finalement renvoyé qu'en 2005.
Selon la tradition éthiopienne, l'Arche d'alliance aurait été volée par Ménélik Ier, fils du roi Salomon et de la reine de Saba et reposerait près de l'église Sainte-Marie de Sion. Les Israéliens (-ites) voient bien sûr la chose d’un autre œil !
Ceci dit, si le pays est plutôt bon marché, la visite d’une église (payante, ce qui, en soit, me parait déjà un vice !!) se révèle exorbitante…8 euros. Je vais me limiter…peut-être que ça m’arrange un peu d’ailleurs. J’aime aller à la rencontre des gens, et là, c’est plus austère déjà. Quoi qu’il en soit, un local me montre quelques manuscrits pas piqués des hannetons, des pavés de 15 kilos, ornementés de peintures religieuses vives, à l’instar de l’intérieur de l’église. Je me demande à cette occasion où va l’argent du droit d’entrée. Au peuple ? Je n’en ai pas l’impression ? A la conservation ? S’il ne se passe rien en la matière, les manuscrits que je peux admirer ont une espérance de vie limitée. (2) (3)
J’ai choisi celle-ci parce qu’elle serait la plus ancienne, et que Bob Marley fait référence à Zion dans ses chansons…est-ce le même sujet ( ?), je n’en suis qu’à moitié convaincu mais ça rentre dans le cadre.
En empruntant un chemin parallèle, je gagne le palais de Dungur (vestiges du palais du roi Khaleb, du VIe siècle) sous lequel seraient situés les vestiges du palais de la Reine de Saba. (4)
Il ne reste que quelques murs mais une estrade permet d’apercevoir les paysans au labeur dans les champs voisins.
Plus loin, une montée m’attend, alors que je suis encore en peine de ma courte nuit, pour rendre visite à la Lionne de Gobedra, sculptée à même la roche. Nous y parvenons accompagnés de quelques gamins, voisins de la féline. (5)
Au loin, je peux apercevoir l’université d’Axoum, perdu dans le paysage. (7)
En traversant la ville, on arrive symétriquement à une autre grimpette, celle qui mène à l’église de Panthaléon, qui va ajouter à la fatigue.
Mais la vue dédommage de l’effort, je serpente à travers les euphorbias, des plantations diverses et sur les hauteurs, un habitant s’en revenant des champs, serpettes à la main, me montre fièrement au loin, l’étendue de l’aéroport, qui mesure bien…300 ou 400 mètres. (8)
Mon ascension prend fin là où le moine conservateur, auquel un travailleur livre des jerricans d’eau, me demande à nouveau ma contribution pour l’accès au bâtiment. Je suis d’accord que l’entretien demande une obole, mais pas trop exagérée, et pour ce qui est de l’entretien…à en juger par l’état du musée juxtaposant l'église Sainte-Marie de Sion, je reste sceptique.
Mon dîner sera expéditif aujourd’hui. Je suis plus éreinté qu’affamé. En outre, deux essais infructueux de restaurants où ils attendent que mon choix soit fait pour m’annoncer ce qui est indisponible ou passent 10 minutes à chercher le menu qu’ils m’apportent revu et corrigé pour l’occasion, m’ont achevé.
De retour à l’hôtel, je change de chambre, l’eau débordant des toilettes dans la précédente, et au dodo.
02.11.2013
Je change d’hôtel, l’Africa, même si légèrement plus excentré, se révèle beaucoup plus fiable, et équipé d’Internet…à ses heures. Le précédent, Khaleb, n’a de royal que le nom. De plus, j’ai vu les toilettes avant le ménage dans plusieurs chambres et me demande ce qui différencie certains clients du monde animal…sans vouloir offenser mes amis les bêtes.
La journée peut alors commencer, par un café, ans l’un des petits stands qui bordent la route, abrité par une toile tendue à la grille du parc d’un hôtel.
Million, c’est son nom, fait tout d’abord griller les grains dans une petite poêle, avant de le passer. Puis le liquide coule alors de la jebena, cette cafetière typique de l’Ethiopie dans de petites tasses remplies à bord. (10)
Le café trouve son origine ici, au Xe siècle avant J-C., à Kaffa, dans les hauts plateaux éthiopiens frontaliers au Soudan.
Le nom viendrait de là, même si académiquement l’origine tiendrait au mot qahwa, un vin consommé à partir de cette graine dans le Yémen du XVIIe siècle, avant que l’on en tire le terme de café arabica en 1753, répandu aujourd’hui à 70% sur la planète.
Sa découverte en revient à Khaldi, un jeune berger, consommé par le désir d’imiter ses chèvres, grignotant les grains rouges de cet arbre.
Cette tasse me permet de faire la connaissance de mes co-buveurs. L’un d’entre eux m’explique la leçon d’un patriarche qui, concernant l’Arche d’Alliance (en d’autres termes, le Livre des 10 commandements) aurait considéré comme « bienheureux celui qui y croit en sa présence à l'église Sainte-Marie de Sion» car on ne dispose d’aucune preuve.
Je suis dans le Nord de l’Ethiopie, région chrétienne et pieuse.
Je gagne ensuite le marché avec l’autre compagnon. Ce sont fruits, légumes, immenses paniers en rotin, bijoux en métal brut, miel… (11)
En route, nous mangeons un morceau dans un boui-boui, où je teste la fata, plat local qui consiste en deux pains que l’on réduit soi-même en morceau, avant qu’ils ne soient épicés en cuisine, puis servis accompagnés de condiments.
Puis le marché aux bestiaux où Tedi est à la recherche d’un mouton pour son père. Pour choisir, il tâte la queue de l’animal (qui ne semble pas apprécier outre-mesure, je n’apprécierais pas non plus à sa place), gage de qualité si elle est bien charnue.
L’affaire ne se fera pas aujourd’hui. Il faut compter au minimum 150 euros et il ne devait pas coûter plus de la moitié. (12)
En chemin, nous passons un bâtiment en construction, un de plus, Axoum est en effervescence, où s’affairent deux dizaines de personnes en musique pour que les travaux avancent plus allègrement. (13)
Nous terminons par goûter la soha, sorte de bière, préparée localement chez un privé, et fréquentée par quelques jeunes du quartier.
Sur le chemin de l’hôtel, je fais un passage par le parc Ezana, jardin compartimenté, avec tables de billard, terrasses de café ou enclos privatifs, qui me font songer à ces arrière-salles rencontrées parfois en boîte de nuit.
Le nom vient du roi par lequel le christianisme est arrivé en Ethiopie.
Puis je m’arrête boire un nouveau café, cette fois chez Salam, jolie jeune fille, aînée d’une famille de quatre enfants, qui soutient ainsi sa mère, son père étant apparemment parti avant sa naissance. (14)
Les clients ne se bousculent pas et cette activité permet davantage de subsister, les prix qu’elle pratique lui permettant surtout de couvrir les coûts de revient.
Dans la rue, que je définirai de « principale » a lieu un mariage en grande pompe. Une limousine habillée de fleurs, dans laquelle se tiennent les jeunes mariés, saluant comme un couple présidentiel, et la foule des invités qui dansent autour du véhicule se mouvant très lentement.
Je retrouve Tedi en début de soirée, qui veut m’emmener à une party. Je comprends vite qu’il s’agit simplement de bars, où il compte boire quelques coups (de Coca pour lui) aux frais de la princesse, et aujourd’hui la princesse…c’est moi !
Nous en visitons deux endroits.
Le premier est principalement fréquenté par des hommes. Pourtant au moment du départ, l’une des seules représentantes de la gent féminine me propose une séance de chaka chaka.
Dans le deuxième se trouvent plus de serveuses que de clients et, après que la bouteille de Tedi se soit éclaté sur le sol, emportée par les vibrations musicales, il faut payer la consommation doublement !!
Demain, c’est le départ pour Lalibela. Je crois que quelques jours supplémentaires ici et je ne ferais plus un pas sans rencontrer quelque connaissance, même si la plupart reste, pour le moment, intéressée, à l’instar des gosses qui espèrent quelque argent pour un dictionnaire (tout au moins le prétendent-ils), un stylo ou aimeraient cirer mes chaussures.
03.11.2013
LALIBELA
Cité monastique située à 2 630 m d'altitude, classée au patrimoine mondial en 1978, Lalibela est une ville sainte des chrétiens orthodoxes d'Ethiopie, fameuse grâce à ses onze églises creusées dans le roc, dont l'Eglise Saint-Georges, âgée de huit siècles.
Après la chute de l’Empire axoumite, le pays assiste à l’émergence d’une nouvelle dynastie, celle des Zagoué, sur le site de Roha, aujourd’hui Lalibela, roi qui, au XIIe siècle, est à l’origine de la construction de ces bâtiments religieux, après qu’il est revenu d’une tentative d’empoisonnement, qui l’a promené dans les 7 cieux avec les anges.
L’on suppose qu’il s’agit en fait d’un exil de 13 ans pendant lequel il a vu Jérusalem et le monde byzantin, ce qui explique les répliques de sanctuaires, lieux de pèlerinage de l’époque.
Une première promenade me donne le la. Comme à Axoum, je me fais aborder avec quelques classiques. Le club de football auquel une contribution serait la bienvenue pour investir dans un ballon ; la bibliothèque qui manque de livres ; les raquettes de pingpong qui sont défectueuses (et pour lesquels la pression se fait plus importante après que j’ai fait l’erreur d’accepter de faire une manche)…parfois, ils ont même la lettre manuscrite qui explique l’affaire…histoire identique qu’en Europe avec les Roms. A cela vient s’ajouter l’histoire personnelle : des jeunes venus de la campagne pour pouvoir fréquenter l’école, le père mort à la guerre, les petits boulots pour aider la tante qui héberge (je rencontre ici plus de cireurs que de paires de chaussures !), le manque de fournitures scolaires.
Le malheur est que certes le pays est pauvre, mais que les ficelles sont tellement grosses que cela en devient presque un jeu et que l’on peut alors passer à côté de la misère pure en l’ignorant. Une volonté d’aider ou donner un coup de pouce risque de se heurter à ses limites.
Ainsi je fais la connaissance de Tedi (un autre) et Roméo qui « m’invitent » à la cérémonie du café chez leur « tante ». Rendez-vous est alors pris pour demain pour gravir la montagne jusqu’à l’église d’Asheten Maryam, à 3000 m. (16)
Je renonce volontairement au groupe des 11 de la ville, que j’aperçois malgré tout de l’extérieur, le prix a triplé cette année et ils exigent un droit d’entrée de 50 dollars !!! Il semble d’ailleurs que ce soit une marque typiquement française, à en croire un guide local que je croise ici !
J’accepte totalement que nous payons plus que les locaux (quoique certains qui ont le loisir de s’intéresser à la culture ne soient pas forcément les plus démunis !!!), auxquels on ne demande d’ailleurs aucun droit d’entrée, mais là Jésus frise l’insolence. Encore une fois, la religion fait des siennes.
La douche à l’hôtel se termine au baquet après que la réserve se soit épuisée.
04.11.2013
Nous avons prévu un départ à 6 heures pour éviter la chaleur, mon escorte est plus qu’à l’heure (les deux gamins m’appellent déjà 20 mn avant !) et il fait un peu frisquet.
Nous croisons les premiers paysans qui descendent en ville, chargés comme des mules, que nous croisons d’ailleurs aussi, accompagnés de leurs muletiers. A l’occasion, ils accompagnent ainsi les quelques touristes qui effectuent la montée et ne tiennent pas la route. (17) (18)
Vient alors un hameau où un type se tient déjà au garde-à-vous, ses bouteilles de soda à la main, et des petites vendeuses de souvenirs faits maison, mini-poupées de chiffon, figurines de prêtre lisant la bible et autres bondieuseries.
Une heure trente à deux heures d’ascension et nous voilà parvenus à un semblant d’église où il faut encore négocier pour les droits de photos. (19) (20)
Un soi-disant prêtre me montre l’intérieur, obscur, où je parviens à distinguer une croix sculptée dans le plafond de pierre, puis quelques manuscrits qui, là encore, auraient certainement besoin de soins plus attentifs. (21)
Mais la vue sur les montagnes à l’entour est prenante, l’horizon lointain, l’effort pour venir jusqu’ici a trouvé sa récompense, même si plus haut une nouvelle église se construit. (22)
Nous croisons une paysanne venue collecter différentes herbes pour le thé et la cuisine, je reconnais alors une odeur familière qu’exhale son sac…du thym. (23)
Je passe une bonne partie de l’après-midi chez Blainesh qui me hèle pour une cérémonie du café du haut de sa hutte alors que je déambule dans sa rue. Et elle me fait la totale, les grains dans la poêle, qu’elle pille ensuite devant moi, l’encens, le brasero et les trois tasses traditionnelles, le abol (premier), le tona (second) et le baraka (le troisième, celui de la chance). (24)
Je longe alors au coucher du soleil le parcours des églises, où des gardes veillent à ce que l’on ne pénètre pas sur les sites, je parviens pourtant à apercevoir la croix fameuse de l’église Saint-Georges, et admire les cases rondes des habitants que certains enfants regagnent juste après la fin de l’école.
Le système ici est organisé en tranches. Selon la classe, les cours ont lieu le matin ou l’après-midi, et la semaine suivante, on inverse.
Mon séjour ici se termine par une discussion avec Serkei, la jeune réceptionniste de l’hôtel qui m’a dépanné hier en eau.
Orpheline, deuxième de quatre enfants, cette fois les propos me semblent sincères, elle a veillé sur les deux plus jeunes, jumeaux, et espère l’année prochaine, commencer par correspondance une formation en management, afin d’améliorer son sort. Elle gagne 11 euros par mois, pour quelques 12 heures de travail journalier.
05-06.11.2013
GONDAR (120 000 habitants)
Le trajet dure un peu. De Lalibela au petit matin, je me lève à 4 h pour assurer le coup, et surtout si possible une place vers l’avant du bus. J’en trouve une, à côté d’un étudiant sympathique rencontré à l’arrivée. Son meilleur ami est là aussi. Je note qu’au pied de mon siège se trouve un sac de provisions, fait typique en Afrique, certains répartissent leurs sacs ici et là. Je dis à mon co-voyageur qu’ils m’ont fait mettre mon bagage sur le toit, alors que celui-là a intérêt à dégager. Il m’assure que ce sera le cas…puis se met à rigoler, en m’expliquant que c’est celui de son ami, assis devant nous !!!
Un premier bus m’amène donc à Gashena, pris dans une course entre deux chauffeurs après que le suivant nous a doublés. Heureusement le nôtre se calme rapidement, et je change alors au bout de deux heures pour un minibus en direction de Gondar, avec un changement à Woreta, organisé entre conducteurs par téléphone.
Quatre heures sur une route asphaltée cette fois, alimentés par, semble-t-il, un psychotique qui gémit à l’arrière du véhicule, une panne due à une fuite d’huile (vite réparée), un klaxon qui rugit régulièrement pour éloigner les troupeaux en tous genres qui traversent la route, et des arrêts passagers ou marchandise.
Et le soir même, après un tour de ville, où je me retrouve dans un bar-boîte, emmené par Mary, la réceptionniste de l’hôtel, fraîchement sortie de ses études de sociologie. Cela lui permet de boire un coup à l’œil et à moi de repérer quelques musiques locales. Je ne rentre pas tard car le lever était tôt, mais j’ai pris rendez-vous avec le DJ qui me mettra quelques morceaux sur une clef USB quand je repasserai.
Le royaume de Gondar émerge d’une fin de XVe siècle livrée à des guerres interminables.
Ainsi, le roi Fasilades s’inscrit-il en tant que restaurateur de la tradition. Bon administrateur, il déplace la capitale de Gorgora (sur le lac Tana) à Gondar où il fait bâtir un château et différentes églises, ainsi que plusieurs ponts, majoritairement sur le Nil bleu, pour développer les voies de communication. (26) (27)
Son château surprend par sa touche, comme les suivants pris dans la citadelle impériale, pas franchement africaine, qui rappelle fortement nos citadelles moyenâgeuses, avec une construction puissante, carrée et massive. (28) (29)
Je suis surpris au restaurant par le pain, servi pratiquement avec chaque plat, qui rappelle un peu la baguette française.
Outre les restes de la cité impériale (bombardée par l’aviation britannique contre les Italiens au cours de la deuxième guerre mondiale), l’ « arrière-boutique » n’est pas non plus inintéressante. Marché, rues adjacentes, un vieux agressif (peut-être ivre ?), le garage des bus en besoin de réparation, des chemins campagnards où sèche du linge… (30)
07.11.2013
Je gagne aujourd’hui Debark, aux abords des Monts Simien
Ce sont 2 à 3 heures de minibus, 100 km d’une bonne route bitumée, avec les arrêts classiques fréquents pour optimiser le trajet !
Quand je croise certains de ses véhicules, verts, je m’envole automatiquement vers l’Allemagne…côté police ! (32)
A ce propos, les contrôles ne sont pas rares. Le nombre des passagers est vérifié, mais la règle, soi-disant pas plus de 12, semble très souple, puisque nous sommes généralement 16, y compris cette fois une policière qui monte après l’inspection.
Un petit accroc aux abords d’un hameau…une passagère refuse de descendre, et c’est en pleurant, bousculée par son frère, parent, mari, prétendant ( ?) qu’elle s’exécutera. La position de la femme dans le pays ne paraît pas avoir la priorité dans la hiérarchie des problèmes à régler.
Une autre a, elle, trouvé sa position…la tête sur mon genou. Elle est, m’assure-t-on, sujette aux haut-le-cœur en voiture et je ne trouve que le prétexte du danger que représente ma rotule pour son menton pour l’inciter à changer de position.
La forme et la matière des maisons change à mi-chemin, ce sont des constructions carrées, faites de planches, contrairement aux huttes de terre rondes de Lalibela. (43)
Inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 1978 et considéré depuis 1996 comme en péril, le parc national couvre les monts Simien et le Ras Dashan, 4e sommet d'Afrique.
Les formes des rochers, pics et vallées atteignant 1 500 m de profondeur sont dues à l'érosion.
On peut y trouver des espèces endémiques comme le bouquetin et le loup d'Abyssinie (espèce de canidé la plus rare au monde), quelques types de babouins, l’antilope oréotrague, ainsi que plus de 130 espèces d’oiseaux.
Pour ma part, c’est à Lemalimo (de Lema, le constructeur italien de la portion de route qui y mène), aux abords du parc que j’aperçois un chacal doré, quelques ibis, et ai le temps d’observer plusieurs babouins gelada en train de grignoter graines, feuilles et autres racines. (34) (35) (36) (37)
Je suis, comme il se doit (c’est obligatoire) en compagnie de Bramsu, un scout, sorte de ranger local, aussi bien en charge de l’escorte de visiteurs que de la préservation du site, en l’occurrence prendre garde à ce que les arbres ne soient pas coupés clandestinement. Il est équipé d’une Kalachnikov mais, selon ses dires, il n’en a jamais fait usage. On croise ici, très, régulièrement ses collègues.
Outre Bramsu, quelques jeunes paysans nous rejoignent pour se faire quelque sou, pas pressants cependant. Je partis à un et j’arrivai à cinq ou six. (38)
Ici, l’on essaye de limiter les menaces pesant sur le parc comme l’activité agricole et pastorale, l’érosion des sols, les incendies fréquents dans les forêts de bruyères et l’importance excessive des animaux d’élevage. Ainsi, certains secteurs ne sont ni habités ni cultivés, et une coopération étroite avec les communautés locales est nécessaire pour conserver la valeur du site, en étendant les limites du parc.
Et cela ne me semble pas superficiel lorsqu’on mire la beauté scénique de ces montagnes qui s’étendent à n’en pas voir le bout. (39) (40) (41)
Nous passons une ferme, où quelques sourires, toute en discrétion, sont échangés avec femmes et enfants. (42) (44) (45)
Le retour à Debark est plus brutal. Alors que j’observe quelques jeunes affairés au babyfoot, je me fais aborder par un autre, qui sent la bière à plein nez. Et comme d’habitude, lorsqu’il y en a un…il est pour moi. (46)
08.11.2013
Un petit tour de marché, bien campagnard, ponctue cette virée aux abords des monts Simien. (47) (48)
Je m’apprête à prendre le cap sud dans quelques jours et pour cela, je dois repasser par Gondar, et décide dans l’après-midi de faire un saut à Woreka, à 3 km au Nord de la ville, le « village-témoin » juif.
Au milieu des années 1990 sont en effet quelque 60 000 Juifs d’Ethiopie vers Israël.
Ils vivaient alors dans un espace qui allait du lac Tana aux monts Simien.
Leur nom est Falacha (émigrer en langue guèze) et leur origine, controversée, remonterait au groupe agäw, dont la langue a été perdue lors de la politique d’amharisation (l’amharic est la langue officielle du pays aujourd’hui). Leur judaïsme se serait prononcé en réaction aux poussées expansionnistes des amharas chrétiens.
L’autre version les donne descendants d’un groupe judaïsé avant la conversion du royaume d’Axoum au christianisme. (49) (50)
En fait, Woreka n’est plus habité que par des Chrétiens. Des jeunes filles qui me sautent dessus dès que je sors du bajaj pour me vendre quelque figurine, l’une encore est à moitié juive.
Elles m’emmènent ensuite jusqu’à la synagogue, une hutte dans le style local puis, à l’aide de quelques plaisanteries, le harcèlement fait place à un moment agréable, devant un café, dans l’abri prévu à cet effet. Ce dernier tombe d’ailleurs à pic car je vis ma première pluie depuis mon arrivée en Ethiopie. Ceci dit, elle se limite à des coups de tonnerre et trois gouttes de pluie.
L’endroit, restreint quant à son contenu ethnologique, relève donc plutôt du folklore, mais la compagnie est sympathique. Les jeunes profitent du brasero pour cuire quelques figurines supplémentaires, et derrière la mère prépare la tef (sorte de crêpe) destinée à l’injera, plat traditionnel, où elle accueille, légumes, sauce et/ou viande. (51) (52)
En soirée, je retourne dans la discothèque de mardi dernier, flanqué brièvement d’un « garde du corps » de l’hôtel (j’ai opté pour un endroit plus miteux mais proche du centre…et espère ne pas récolter une nouvelle puce, comme à Lalibela !), un type collant qui pense probablement avoir trouvé le gugus rêvé pour aller s’éclater en boîte.
Je retrouve Ernest, le DJ qui, comme prévu, me concocte un lot de musique sortie de son ordinateur.
Bizarrement, alors que dans la rue, je suis sans cesse sollicité, même si je n’en ai pas toujours l’envie, ici rien ne se passe. Des quelque 90 personnes présentes lorsque je quitte l’endroit (80 hommes pour 10 femmes !), pas une conversation engagée.
En prenant mon petit-déjeuner, crème d’haricots avec œufs et yaourt, j’observe le défilé des cafés et en-cas vers le bureau de poste mitoyen. Ils ont le sens pratique, entre la bouffe et la musique au travail, ils ne se laissent pas abattre.
Puis je pars pour l’étape suivante.
BAHAR DAR (225 000 habitants)
Ancien village de chasseurs, puis centre d’échange pour les caravaniers, la ville, au bord du lac Tana, est aujourd’hui en pleine expansion.
Les allées bordées de palmiers et le palais sur les hauteurs de la ville sont le reflet de l'ambition d’Haïlé Selassié qui voulait en faire la capitale moderne de l'Ethiopie.
Ville-source du Nil bleu, elle essaie de préserver l’environnement afin de conserver le potentiel d’eau potable pour les générations futures.
L’attraction que représente une telle ville pour les populations campagnardes devait être contrôlée et Bahar Dar a réussi le pari de la contenir par le biais de la construction, même si certaines caractéristiques propres aux bidonvilles restent inévitables.
On y respire pourtant un parfum assez méditerranéen et la mendicité, présente, y est moins insistante.
J’entends, me semble-t-il, pour la première fois ici, l’appel à la prière du muezzin. Il va peut-être falloir que je m’y habitue car en descendant vers le sud, l’islam va probablement prendre le pas sur le christianisme orthodoxe. (54)
Le Nil bleu a ici son importance, avant qu'il ne monte vers le Soudan pour s'accoupler avec le Nil blanc arrivé tout droit d'Ouganda.
A une trentaine de kilomètres à l’est de Bahar Dar, je peux admirer ses chutes, dans le village de Tis Abay, que je gagne en bus local.
Une centrale électrique y permet certes depuis 1953 d’approvisionner en électricité la région jusqu’à Gondar, mais le site reste somptueux. J’y effectue une promenade ponctuée de divers points de vue, passant par un pont construit par les Portugais au début du XVIIe siècle, rencontrant quelques paysans s’en revenant du marché, me menant à un autre pont, suspendu celui-là, avant de me trouver devant les chutes même, où sont installés deux cafés de plein air. (55) (56) (59) (62) (64)
Entretemps, j’ai bien sûr eu tout le loisir de passer quelques boutiques improvisées devant des cases et faire connaissance avec les jeunes filles au bagout bien prononcé. L’une d’entre elles, en train de se faire coiffer, laisse d’ailleurs tout en plan pour venir me faire son baratin. Avec les deux suivantes, je vais passer un bon moment, assez drôle, même si il y a alors un temps pour dire stop.
J’achète une bricole à celle dont les cheveux sont couverts d’un voile, après qu’elle les a enduits de beurre, fait déjà observé à Woreka, près de Gondar. Ceci est profitable à la beauté du cheveu ! (57) (60)
Pour terminer, une barque à moteur me permet de regagner le village rapidement en traversant le Nil. (61) (63)
Le bus de retour est plein, les contrôles restent aléatoires, et la musique bat son plein, ce qui m'amène, grâce à mon voisin, à connaitre quelques noms supplémentaires de musiciens éthiopiens, dont je me fais charger plusieurs albums dans une boutique d’informatique à Bahar Dar.
Le lac Tana, plus grand lac intérieur d’Ethiopie y est aussi bien sûr emblématique. Il abrite une trentaine d’îles et 38 monastères, que l’on gagne en bateau. J’en affrète un, certes seul, mais au port, donc sans intermédiaire, professionnel du tourisme qui se prend une énorme commission. Je me contente de la maison de Dieu la plus proche, Debre Maryam, et encore de l’extérieur uniquement. (65) (66)
Mais les abords sont tout aussi intéressants, l’eau y domine, c’est pour ainsi dire un point où se rencontre le lac et le Nil bleu, et diverses sortes d’oiseaux s’y régalent.
Une gamine, perchée dans un arbre, s’éternise à se gorger de fruits, tandis que sa copine rentre à la maison en pagayant laborieusement sur une embarcation basse faite de bambous. L’eau n’est pas profonde et la végétation très présente, elle doit donc appuyer fort sur le bâton qui lui tient lieu de pagaie. (67) (68) (69)
En fin d’après-midi, je retrouve Suzy pour boire un verre, une jeune Ethiopienne qui sert de chaperon à des Allemands vivant ici depuis 2 ou 3 ans. Je l’ai rencontré accompagnant une de leurs amis, une retraitée qui, bien qu’ayant séjourné à plusieurs reprises en Afrique, a certains problèmes pour s’accoutumer à l’Ethiopie.
Suzy a eu, grâce à ces connaissances, déjà l’opportunité de séjourner en Allemagne pour une quinzaine de jours, et souhaiterait bien y émigrer. S’expatrier, le rêve de beaucoup d’Ethiopiens, je crois. (70)
12.11.2013
L’aéroport de Bahar Dar contraste avec la modernité de la ville. Il doit être soit vétuste, soit en construction, soit en rénovation. Sommaire, sale, avec des câbles qui pendouillent çà et là. Le contrôle, au contraire, est plutôt sérieux. (71)
Après une heure de vol pour Addis, je quitte promptement la capitale en évitant les taxis de l’aéroport. En marchant un peu, je réussis, après quelques efforts et, chose rare, l’aimable assistance d’un rabatteur, à prendre deux bus pour gagner la bonne gare routière, celle qui me mène à Nazret.
NAZRET (260 000 habitants)
La ville tient son nom du temps où a été construite la ligne ferroviaire d’Addis à Dire Dawa, entre 1912 et 1917, et que l’on en fit une halte, en tant que porte vers l’Est.
Peuplée majoritairement d’Amharas et d’Oromos, elle porte chez ces derniers, à tendance musulmane, le nom d’Adama, qui n’a pourtant pas réussi à s’imposer.
Mis à part ces considérations d’ordre ethnique, c’est plutôt une ville-étape, où le harcèlement est cependant plus modéré, et les prix non adaptés spécialement au visiteur étranger. A tel point que dans un restaurant bien en vue, le menu n’est qu’en amharic. L’anglais des serveuses étant limité, j’opte pour un plat de spaghetti, en fait des nouilles chinoises (76) (73)
Le nom de la ville m’inspirant, je joue les J-C. après avoir fait un tour devant l'église (où aucun droit d'entrée n’est exigé, waouh ! Cela ne m’incite d’ailleurs pas davantage à y pénétrer). C'est Dickens ou Hugo. Des miséreux peuplent l’escalier qui y monte. Alors que je reviens avec quelques emplettes, biscuits, bananes, pain de mie et beurre de cacahuètes, je vois l’un d’eux, qui apparemment se réveille juste, éloigner des excréments à l’aide d’un bout de carton. Ensuite, c’est la ruée. Une vingtaine de personnes s’affaire autour de celui chargé de la distribution. Bien sûr, il en arrive d’autres, un peu tard. Ceci dit, la répartition s’est effectuée à peu près équitablement et sans heurt. Le « répartiteur » prend congé de moi avec un « merci, à la prochaine". Pauvre, il conserve le sens de l'humour. (74) (75)
Ma chambre est correcte, même si le bâtiment, en pleine rénovation, semble sortir d’un tremblement de terre.
13.11.2013
Je laisse Nazret et, au Nord-est, la vallée d’Awash, patrie de Lucy, et descend la vallée du rift, là où elle se rétrécit quelque peu.
Ici se trouvait, en des temps plus humides, un immense lac qui, lors du réchauffement climatique, s’est transformée en plusieurs lacs de taille plus réduite.
Je prends un grand bus, vétuste certes, mais je constate qu’il présente l’avantage, par rapport aux minibus, de s’arrêter moins souvent.
Celui-ci m’arrête en bord de route, et là ce sont presque 3 km de marche sur la piste à tirer mon sac à roulettes derrière moi car les hôtels ici sont espacés de quelques centaines de mètres à quelques kms mais à partir de la route. Et rien, pas même une boutique ou un bajaj.
Je croise quelques fermiers, bergers avec troupeaux, qui se rencontrent créant un brouhaha chez les animaux, gamins qui tirent mon bagage pour un bout de chemin, et arrive finalement à l’hôtel…qui ne dispose que de bungalows payés à l’année par des habitants d’Addis ou Awasa, plus au Sud. Ceux-ci viennent généralement le week-end. (78) (87)
Reste le camping, ils fournissent la tente, et directement en bord de lac, à 5 mètres. Je vais m’endormir avec le ruissellement de l’eau. (79)
LAC LANGANO
Besa, la serveuse du restaurant un peu plus en hauteur, originaire de Shashemene, n’est donc pas débordée, pourtant présente de 6 à 21 heures, sauf le lundi, son jour de repos.
Le lac Langano atteint par endroit jusqu'à 46 m de profondeur. Lieu apprécié des touristes locaux privilégiés, il est le seul lac éthiopien à ne pas être contaminé par la bilharziose. De plus, il abrite une avifaune variée. (84) (85) (86)
La plage est régulièrement interrompue par des buissons épineux, créant ainsi une multitude de criques. Il est éventuellement possible de passer à travers mais parfois il me faut remonter pour redescendre ensuite à la suivante. (80) (81) (82) (83)
Les oiseaux y sont à l’aise. Parfois l’on bute sur de la pierre ponce, témoignage de l’origine volcanique de la région.
En remontant, je m’arrête à LA boutique. Le jeune homme vend 2 ou 3 bricoles et fait office de salon de chat, ces feuilles que l’on chique ici ou à Djibouti.
A sa grande satisfaction, je lui fais quelques tours avec le jeu de cartes qui traîne sur la table, avant de prendre congé.
14.11.2013
C’est accompagné d’un porteur que je regagne la route au matin, cela fait marcher l’économie locale et me soulage bien !
A peine sur le bitume, il m’arrête un camion. Il s’agit d’un habitant de Shashemene qui rentre de livrer du grain à Addis, un voyage de deux jours. A l’arrivée, avant que je ne cherche une chambre pour la nuit, il me convie à prendre un thé.
Deux de ses filles sont justement là, en visite. L’une habite Londres, mariée à un Britannique, l’autre travaille aux Etats-Unis, sur une chaîne d’empaquetage dans le Minnesota, après avoir bénéficié de la « loterie des visas ».
SHASHAMANE (100 000 habitants)
La ville n’est pas vraiment charmante et bruyante. (89) (90)
Ceci dit, la population n’abuse pas l’étranger sur les prix, qui restent globalement locaux, bajaj, cigarette, café, injera…
La caractéristique de la cité est le quartier de Nock. (91)
En remerciement pour la mobilisation de la diaspora noire du monde entier contre l'agression italienne de 1937, Haïlé Sélassié Ier concède 2 km² de terres où, à partir de 1955 des Rastas (essentiellement jamaïcains) et des juifs noirs d’Amérique, viennent s'installer dans la ville, regagnant ainsi la «Terre Mère» de laquelle ils avaient été arrachés par l'entreprise esclavagiste.
Ici, un petit musée, une pièce pour l’instant, témoigne des figures de proue du mouvement rasta, Haïlé Sélassié (le ras –roi- Tafari Makonnen de son vrai nom, d’où rastafari) et Bob Marley en tête, avec tableaux, et articles divers regroupés sur une table. Ainsi une photo des premiers retours, des certificats d’établissement en Ethiopie, avec le sceau du lion, le Négus Haïlé Sélassié… (92) (93)
Le 13 février 2005 Shashemene, accueille un festival regroupant des milliers de personnes en hommage au soixantième anniversaire de la naissance de Bob Marley, qui s'y était rendu en 1979.
Ceci dit, l’ambiance rasta, comme souvent, est plutôt glauque. Ce que je regrette car la musique me plaît. Il me semble qu’il y a un sacré décalage entre ce que c’est et ce que cela se voudrait d’être !
Je dois remettre l’un d’entre eux à sa place, qui me pompe l’air, à force d’être insistant. Il veut être guide et dealer, mais est surtout défoncé, et ça ne l’inspire pas (contrairement à certains que cela peut porter), ses neurones ne suivent pas le rythme.
Ce sont les femmes, je trouve, qui souvent compensent ici. Je les estime moins agressives dans l’ensemble. Même dans les « affaires », elles décoincent, même si la vente ne s’effectue pas. (94) (95)
15-17.11.2013
L’hôtel dans lequel j’ai atterri ici, avec ses salles de conférence, se veut plus luxueux qu’il ne l’est (tout barre en sucette, les poignées de douche, les vis des divers suspenseurs, les téléviseurs et leurs télécommandes, les chauffe-eaux…) le site est étendu, avec multiples bars et restaurants. Et alors que je prends mon petit-déjeuner débarque soudain une armée de singes qui, apparemment, connaissent bien l’endroit. Les uns s’engouffrant dans quelques salles ou chambres où les femmes de ménage sont en train de s’affairer, les autres se goinfrent de fruits directement sur l’arbre, à moins que des clients leur fassent partager leur repas, et les plus jeunes se chamaillent simplement entre le sol et les escaliers. (96) (97)
Aujourd’hui, l’étape ne me mène pas bien loin, une bonne demi-heure et je suis rendu. Avec un zeste de pluie cependant, et il me faut discuter pour que mon sac (pour lequel je paye un supplément…ils tentent le coup parfois, et là j’accepte) rentre à l’intérieur.
AWASSA (130 000 hab.)
Située sur les bords du lac du même nom, dans la vallée du grand rift, c’est un des plus beaux endroits que j’ai vu en Ethiopie jusqu’à maintenant. Je dirais qu’elle correspond, dans le Sud, à Bahar Dar.
Le centre-ville n’est pas spécialement charmant, quoiqu’il reste propre, mais ses allées de palmiers et les abords du lac sont un régal pour les yeux. (115) (116)
Un soupçon bourgeoise, anciennement capitale de la province de Sidamo jusqu'à la réforme constitutionnelle de 1995 qui l’a transformée en ville région, Awassa appartient aujourd’hui à la région des nations, nationalités et peuples du Sud. Ceci ne s’est d’ailleurs pas effectué sans heurts puisque la police avait ouvert le feu sur 3000 manifestants sortis dans la rue.
Je trouve un hôtel charmant, aux couleurs du pays, et des chambres coquettes. J’en essaie d’ailleurs trois, après quelques problèmes, relatifs pour le pays, de nettoyage de chambre ou de toilette…mais étant donné que je suis l’unique pensionnaire ces jours-ci ! (99)
Bien que moderne, Awassa subit chaque jour des pannes d’électricité, pas une première en Ethiopie, mais à cette fréquence, cela m’est nouveau.
Le matin, je me réveille, tôt, au son du muezzin. Le week-end, il prêche et cela dure et dure ( !), quelle tchatche, il me fatigue déjà pour la journée…jusqu’à ce que je me rende compte que, près de là ne se trouve pas une mosquée mais une église orthodoxe ! J’ignorais que les prêtres orthodoxes devaient également racoler à ce point pour nettoyer le cerveau des brebis égarées.
L’intérêt principal réside ici dans le lac, où évoluent nombres d’oiseaux. Ibis, martin-pêcheurs, pélicans, ombrettes africaines (…) et, dominant les marabouts, croisés sur la promenade, perchés en haut des arbres, déambulant dans la rue ou flirtant avec les véhicules (100) (102) (107) (114)
La pêche est la principale industrie locale et ils fréquentent bien sûr le marché au poisson, où ils sont assurés de glaner quelques restes. (103) (104) (105) (108)
Dans les restaurants près du lac, c’est également le mets principal pour les flâneurs, un poisson grillé, que l’on déguste avec les mains, accompagné d’une sauce piquante et un morceau de pain. Je suis étonné du peu qu’il reste dans l’assiette lorsque les locaux ont terminé le repas !
Du marché, je gagne les hauteurs, le mont Tabor, flanqué d’un jeune guide de 10 ans, Samuel, qui m’apprend que les marabouts dotés d’un goître sont les femelles. Ainsi stockent-elles la nourriture pour la redonner plus tard à leur rejeton. (106)
La vue vaut l’effort et, pour redescendre, nous empruntons un chemin différent, passant par l’arrière-pays, où femmes et gamines s’étonnent ou s’amusent de me voir là. (109) (110) (111) (112) (113)
Un autre paradoxe de cet endroit moderne, c’est le peu de personnes qui se débrouillent en anglais. Benjamin fait exception. Originaire d’une famille pauvre d’Aksoum qui s’est hissée dans la « hiérarchie financière » à force de travail, il travaille dans le bâtiment, actuellement au Soudan du Sud où, m’assure-t-il, tout reste à faire.
Nous passons le samedi après-midi ensemble, café, aquarelle, photo, puis bière au moment du match de football, pour lequel la population se prépare depuis le matin déjà, à force peinture sur le visage, t-shirts et hymne musical, celui qui oppose l’Ethiopie au Nigeria. (117) (118)
Ils ont perdu à l’aller…et il n’en est pas autrement pour le retour. Ce n’est encore pas en 2014 que le pays rejoindra la coupe du monde ! L’ambiance reste cependant au beau fixe après la défaite. La musique bat son plein, et certains dansent dans les cafés et dans la rue.
Benjamin, qui se rend à Arba Minch lundi, me propose de partager sa voiture (qu’il voudrait même me prêter sur place, pour visiter les villages environnants). Sympa, la proposition est alléchante.
Mais le lendemain, alors qu’il doit me téléphoner pour manger ensemble, l’appel se fait attendre et aucune réponse aux miens. L’Afrique !!!
Je passe ma dernière soirée pour la première fois ici avec deux Occidentaux, Tom, un jeune chirurgien hollandais qui en pince pour l’Afrique et vient de passer un moment à l’hôpital ici, et Ronan, un journaliste israélien qui vient de quitter son job, menacé par Internet, en route pour le Kenya, qu’il connaît déjà.
En gagnant le centre-ville, Tom nous dit voir pour la première fois les feux au carrefour en fonction…ils viennent d’être installés voici quelques jours.
18-19.11.2013
Si mon passage à Awassa s’est bien déroulé, il en va autrement de mon départ. La station de bus une fois de plus.
Outre la sempiternelle discussion, une fois le tarif du trajet fixé, du supplément pour le bagage (qui semble être réservé au voyageur étranger), il m’est demandé, juste avant le départ, pour la première fois dans une gare routière depuis que je voyage, d’ouvrir mon sac. Ceci semble être à l’initiative d’un voyageur que je m’empresse d’incendier, une espèce de fonctionnaire probablement en crise d’autorité, un frustré auquel je rabats rapidement son caquet ! J’explique que je ne m’exécuterai qu’en présence d’un policier et note, devant leurs yeux, le numéro du bus.
Quelques minutes plus tard, sur un appel d’un employé des bus apparaît un uniforme…qui parle autant anglais que les autres !
Je vais donc lui montrer le contenu de mes bagages, en ayant pris soin auparavant de faire dégager les autres cons de voyeurs. Le contrôle n’en est d’ailleurs que formel, je lui montre un peu ce que je veux, il semble plutôt embêté.
Une employée de la gare l’est tout autant et elle est ravie de me voir prendre le bus suivant, pour 150 km, après que je me suis éclipsé entretemps pour boire un thé.
Il me faut malheureusement effectuer un changement dans un bled appelé Woleita, donc affronter à nouveau ces sangsues des bus, et ce n’est plus le jour à me courir sur le haricot.
Ce sont à nouveau 100 km, et là, je me retrouve à une place que j’évite d’ordinaire, celle à l’arrière du bus, d’autant plus qu’une majeure partie du trajet est sur piste
Ce n’est vraiment pas mon jour, l’un des moments où l’on se dit : « j’ai vu le pays, mais ne réitérerai pas l’expérience ».
ARBA MINCH (75 000 hab.)
A peine arrivé, je trouve une chambre miteuse, mais je n’ai pas le cœur à chercher davantage, ce ne sera que pour une nuit, avec l’aide de Muruken, un guide local.
Normalement, je ne me laisse pas mener ainsi, mais il m’en montre 2 ou 3 vraiment bon marché, tout en douceur, et il ne cherche pas la commission, plutôt quelqu’un à guider pour la région du Sud.
Je lui explique qu’étant moi-même du métier (comme je le fais régulièrement ici pour les stopper dans leur élan), je cherche là à me distancer de l’activité. Si bien que nous passons un moment sympathique, un première approche de la ville et de ses environs, avec même un phacochère se promenant près d’une école, et je le « dédommage » avec boissons et dîner.
Arba Minch (quarante sources en amharique), deuxième grande ville de la région, après Awassa, tient son nom de ses sources locales.
Située à l'ouest de la vallée du grand rift, elle est réputée pour sa production de fruits (mangues, goyaves, bananes, pamplemousses, oranges…) et son élevage de poissons.
Composée de deux parties, haute, avec les bâtiments administratifs et les hôtels, et basse, près du parc, elle est un mélange urbano-fermier, une sorte de cité qui ne peut encore se défaire de son côté campagnard.
Le parc national de Nechisar y recouvre l’isthme qui relie deux lacs, d’Abaya et de Chamo.
La ville a succédé à Chencha en tant que capitale de l'ancienne province de Gamu-Gofa, titre conservé jusqu'à la réorganisation du pays en régions en 1995.
Chencha est à quelque 40 kms d’Arba Minch, une bonne heure de bus donc, et à voir principalement pour son marché très bigarré.
A peine arrivé, je suis abordé par un type (puis deux ; comme souvent il s’opère une greffe !)…travaillant pour le gouvernement…comme moi je suis pape. Ils sont là pour ma sécurité et doivent me guider. Comme c’est « obligatoire », je lui propose d’aller au poste de police pour officialiser la situation, et après quelques mètres m’en voilà débarrassé.
Je déambule alors en direction du marché et tombe, à point, sans me faire mal, sur une couturière. Il se trouve que le bas de mon pantalon aurait besoin d’une reprise, un ourlet en quelque sorte, mais je n’en ai aucun de rechange. Me voilà donc assis à côté d’elle, deux bouts de tissu, des semblants de jupe, sur les genoux pour protéger mon intimité devant toutes ces spectatrices qui ne manquent pas la représentation. L’affaire est bâclée en quelques minutes et je peux me rhabiller. (121)
Le marché est effectivement très coloré. Je me retrouve vite affublé d’un pseudo-guide, que je ne refoule pas car il présente au moins l’avantage de limiter le reste du harcèlement courant, et j'observe les tractations pour fruits, légumes, animaux, tabac.
Des fumeurs s’adonnent d’ailleurs au plaisir de la pipe à eau par le biais d’un long manche relié à la classique cafetière éthiopienne. (120) (122) (124)
Je décide ensuite de gagner Dorze à pied, 5 à 7 km, d’où je prendrai un véhicule pour retourner à Arba.
Je ne manque pas de me faire aborder une paire de fois mais, adoptant un pas alerte (et parce que l’après-midi est déjà avancé), je parviens facilement à semer mes « poursuivants ». (125)
Il y a également la population qui s’en retourne au foyer, comme cette femme, souriante, que je croise et recroise, pliant sous le poids de son fardeau, alors que je m’accorde quelques pauses-photo. Le lièvre et la tortue.
Les huttes typiques des Dorze sont particulières en ce sens qu’elles sont étirées et que leur toit de chaume se ponctue par une pointe. (126)
Ceci dit, je constate que nombres d’entre elles font d’ores et déjà place à des bicoques couvertes de tôle ondulée.
20-21.11.2013
Le temps est venu de se diriger vers la vallée de l’Omo, le berceau de l’humanité, là d’où nous venons tous.
Une nouveauté, je voyage avec Hanna, une Coréenne rencontrée deux jours avant alors que je déambulais sur la partie haute d’Arba avec Muruken, qui avait proposé de la guider, sans succès, dans la région de Konso.
Hanna est une prof d’art de 26 ans qui vient de quitter son job pour parcourir le monde. Tiens, ça me dit quelque chose !
Je crois qu’en fait elle redoutait un peu de s’aventurer seule par-là.
Nous gagnons la ville de Konso en 2 bonnes heures, pas un but en soi, plutôt un passage, au mieux un point de chute pour rayonner autour.
Mais là, 4 heures d’attente avant que ne soit rempli le minibus pour Key Afer, que nous voulons rejoindre aujourd’hui, pour être au marché dès les préparatifs. (127)
Ceci nous permet largement de changer de l’argent (cela risquerait d’être difficile ensuite), de déjeuner et de prendre un bon jus de mangue à une devanture de maison.
La propriétaire, charmante, nous fait la conversation et m’apprend que la France a ici une réputation dans la diplomatie ( ?), la finesse et la beauté !
Nous finissons quand-même par atteindre Key Afar en début de soirée. Il fait nuit mais nous trouvons de suite un hôtel, pas celui de l’arrivée, où l’eau ne coule pas, mais celui-ci d’en face, pour le même prix, et avec une salle de bains propre et pas délabrée. Le prix est étranger s’entend, l’autre serait le prix abesha, africain en Ethiopie.
Nous prenons rapidement la température de l’endroit, de nuit (à voir ce que le jour nous réserve !), en cherchant à manger. Après une rapide intrusion dans ce qui me semble être un bouge, nous ingurgitons un injera bien copieux dans un endroit tenu par une famille musulmane sympathique et nous laissons prendre au jeu avec les enfants.
Ici, l’électricité ne fonctionne qu’en soirée, de 19 à 22 h 30. Nous en profitons alors pour recharger nos divers appareils.
Jeudi, jour de marché, Key Afer est en effervescence. Des jeunes filles en uniforme et munies d’un bâton se chargent de régler la circulation, en fait de s’assurer que les piétons se tiennent au bord de la route.
On nous a annoncé le début des festivités vers 13 h. Nous nous rendons sur la place dès 9 h. Bien nous en a pris car nous pouvons alors assister à l’arrivée de nombres de commerçants et la mise en place des stands.
Nous observons cela de l’endroit où se vendent quelques poules, œufs, tabac en branches, et tabac en poudre à priser, justement très prisé par certains, à l’instar du chat.
S’ils ne viennent pas en transport, certains n’hésitent pas à parcourir des kilomètres à pied pour se rendre à ce carrefour des minorités, où populations ari, tsemai et banna se rencontrent.
Pomponnés, ils arborent colliers et bracelets de perles ou de fer-blanc, plumes d’oiseau ; certains hommes, aux jambes longues et fines, et revêtus d’un court pagne, me font songer à de jeunes Spartiates, tandis que certaines femmes portent une peau de vache ou de chèvre sertie de coquillages blancs. (131) (132)
Les femmes tsemai se distinguent à leur scarification sur le visage.
Outre le tabac, ce sont fruits, légumes, beurre qu’ils viennent chercher ici, ustensiles traditionnels tels calebasses ou mini-sièges de pasteur (dont je fais l’acquisition) et bien, sûr artisanat local, davantage destiné aux quelques bus de touristes qui vont se déverser en cours de journée. (133) (134) (135)
L’ensemble prend alors un aspect plus folklorique qu’ethnologique, les ethnies ayant bien compris qu’ils peuvent demander une obole en échange de la photo.
Ils prennent d’ailleurs les devants, n’attendant plus que le photographe les en prie. Je m’amuse alors à les contrer, en leur disant « two birr, to birr, sinon pas de photo ! ». Si certains le prennent mal (ou prétendent ainsi), la majorité en sourit. (136) (137) (138)
En fin d’après-midi, la place se vide comme elle s’est remplie, et dans les rues, je vois quelques arrière-boutiques, sortes de bars où a lieu l’« after ». (139) (140)
Nous montons, maintenant avec Iuji, un Japonais qui m’a abordé déjà à Arba Minch, la côte qui part vers les alentours de Key Afer afin de profiter de la vue sur le village.
En regagnant nos quartiers, nous croisons quelques femmes des minorités, certaines souriantes, d’autres passablement "énervées", au sortir de l’after me semble-t-il.
Nous dînons à 5, un couple de Japonais en sus. Iuji, je crois, est lui aussi en recherche de camarades de jeu pour la région, avec apparemment une préférence pour les couples, puisqu’il était déjà avec deux compatriotes à Konso, partis au Kenya maintenant.
22-23.11.2013
Il faut une bonne heure, en fonction du nombre d’arrêts effectués pour charger ou décharger biens et personnes, cela va de soi, pour relier Jinka.
JINKA
La plus grande ville de la Région des Peuples du Sud représente surtout un avant-poste pour visiter les villages mursis, ceux des femmes à plateau.
Son intérêt reste sinon relatif, mis à part la présence d’Internet, unique dans le coin, et son marché, le samedi. (142) (143)
On peut y rencontrer des Mursis…mais pas depuis deux semaines, après une tuerie entre Mursis et Aris.
Le premier, ayant acheté de l’alcool (interdit par la tradition), qu'il avait déguisé en y glissant du jus d’orange, n’a pas dupé le second lors d’un contrôle. Ce dernier a alors déversé le liquide sur le sol. Sur ce, le Mursi a tiré.
Le père du Ari, ayant déjà perdu un fils, est arrivé peu après pour régler ses comptes.
Les rapports s’en trouvent donc troublés actuellement.
Pour se rendre dans les villages mursis, ce sont 60 km, une voiture à louer, un guide obligatoire, une entrée de parc, une entrée de village et une place de parking !
Tout çà pour aller voir l’une des minorités apparemment parmi les plus harcelantes, où les birrs doivent couler pour chaque photo. L’entourloupe à l’éthiopienne !
De plus, je dois retrouver ma collègue Bettina dans quelques jours, elle est avec un groupe, et la date correspond à son incursion chez les Mursis. Je saisirai donc cette occasion, qu’elle m’avait d’ailleurs recommandée.
Les Japonais restent encore un peu, Hanna hésite et finalement renonce aux Mursis.
Les bus en direction de Turmi se font rares le week-end et il faut descendre sur Key Afer pour arrêter là-bas un véhicule. Nous assure-t-on. Mais, au final, c’est un bus en provenance de Jinka que nous récupérons pour aller jusqu’à Dimeka ! Les rabatteurs des gares routières sont baratineurs et pas toujours au fait des événements.
Il se fait tard, et nous voulions de toute façon faire étape ici à un moment donné.
Le choix de l’hébergement se fait difficile, nous en voyons trois tous aussi miteux les uns que les autres, accompagnés par des sangsues qui annoncent que la patronne arrive, ensuite ils sont les boss, pour finalement aller s’occuper ailleurs ; dans l’autre, la peinture vient d’être refaite et le proprio nous passe la pommade, allant jusqu’à pousser mon sac « gratuitement », ce dont je me passe volontiers.
Un point commun, ils ont tous les douches à l’extérieur en l’occurrence celle-ci s’effectuera au broc, abrité derrière une voiture, une 4x4 estampillée Nations Unies (on en croise régulièrement dans le pays).
Nous optons pour le Tourist hotel, au moins les draps y sont propres, les chambres sont équipées d’une prise électrique et un restaurant y est disponible.
Un couple de Hamers est en pleine dispute. Même scénario que celui observé dans le Nord, dans le véhicule en direction de Debark. Elle ne semble pas vouloir suivre. Il la tire vers lui, elle ne coopère pas. Il réitère l’opération quelques fois puis une beigne. Au bout d’un moment, ils finissent par disparaître ensemble.
La fête sinon bat son plein ce soir. La présence d’une équipe gouvernementale pour fêter la mutation de certains d’entre eux fournit l’occasion d’une animation, repas et musique compris. Nous y sommes conviés, pour une ou deux danses, rien de plus, probablement le plaisir de voir se trémousser deux faranji.
Nous laissons la vedette à un Hamer, qui se glisse dans la salle de danse, à la satisfaction de cette bande de fats échevins qui risquent bien de s’étouffer dans leur attitude supérieure vis-à-vis de ce représentant de la minorité locale.
Ils ne valent pas mieux que nos fonctionnaires, à la différence que le pays n’est pas franchement au top. En deux mots, ils sont d’une inutilité navrante.
24-26.11.2013
Le centre du village reflète le brassage des populations, l’on y croise Hamers et Amharas, les premiers amenant de la couleur par le biais de leurs divers apparats.
L’extérieur, très vert, y est très campagnard. Le lit vide de la rivière permet, là où subsistent quelques flaques, de procéder à une douce succincte et au lavage des vêtements. A la pompe à eau se succèdent indifféremment hommes, femmes et enfants pour ramener quelques jerricans du liquide qui se fait très précieux dans la région. (145) (146) (147)
Dimanche, classiquement, est jour de messe. Lors du prêche, les fidèles se tiennent en dehors de l’édifice religieux, se prosternent de temps à autre, puis, pour le final, se dirigent vers l’église avant de se séparer dans un mouvement quasi uniforme et regagner leur gîte. Une femme hamer, dont les yeux suppurent vaguement, se tient à l’extérieur, guignant un bout de pain ou un billet. (148) (149) (150)
Le départ se fait difficilement. Entre les quelques Hamers qui étalent leur marchandise alors que nous sommes assis en bord de route, pour stopper un véhicule, et Amharas, curieux, stupides et harcelants, l’attente se fait interminable.
L’Ethiopie se partage principalement entre une population qui quémande, sans cesse, auprès du potentiel que nous représentons, l’autre, financièrement à l’aise, qui nous ignore, et les minorités qui, quand elles ne posent pas pour une photo à valeur de 1, 2 ou 5 birrs, se révèle parfois agressive. En gros, le pôle reste l’argent.
Le peu de voitures qui s’arrêtent parce qu’elles ne sont pas pleines ou au service de faranji, espèrent juste un gros coup.
Au bout de 5 heures, une voiture s’arrête qui revient de l’hôpital où une petite a subi une opération de la bouche par des chirurgiens occidentaux bénévoles et ambulants. Une infection qui aurait pu la défigurer complètement. Tout s’est bien déroulé et elle rentre à la maison.
En route, je donne à la famille, qui pratique l’agriculture, quelques paquets de graines (carottes, petits pois, betteraves, radis…) hérités d’un couple d’Israéliens, qui les tiennent eux-mêmes d’un compatriote.
Une bonne idée dont le problème récurrent, lorsque l’on arrive « utile », reste de trouver les bonnes personnes, celles qui ne sautent pas sur le faranji à forces « birr, pen, book, t-shirt, banane… ».
Finalement, à l’arrivée, une demi-heure de route, ils n’acceptent pas notre contribution au transport.
TURMI (3 000 hab.)
Passage pour les véhicules qui s'affairent dans la région (et dont les moteurs tournent, inutilement, dans la cour de « l’hôtel » dès 6 h 30 le matin !), Turmi s’anime de son marché le lundi. (152) (153) (154)
Même topo que pour les précédents : l’arrivée progressive, le fourmillement de la fin de matinée jusqu’en milieu d’après- midi, et le départ en passant par la case bar, signalée par une grosse barquette de plastique jaune devant l’habitation. (155) (156)
Nous croisons les Hamers sur le retour à l’extérieur de Turmi, étant partis, avec Iuji, revenu de chez les Mursis, tenter une approche des villages ethniques. Sans trop de succès. Photo, photo, sinon il faut dégager. (157) (158)
En poursuivant jusqu’à la rivière, ici aussi plutôt asséchée, nous plaisantons avec certaines ou assistons à la douche improvisée, mais tout ceci reste motivé par une vue pécuniaire. (159) (160) (161)
Je troque pourtant un collier pour un autre, un des multiples objets dont je pensais faire cadeau lors d’une occasion propice. (162)
Nous assistons aux premiers pas d’un chevreau, tout au moins aux tentatives de se tenir debout, avant qu’un gamin, stupide, comme beaucoup par ici, attrape le nouveau-né par une patte pour l’emmener à 30 mètres de là, après notre refus de lui verser quelques pour la photo. Un spectacle tragi-comique ! (163) (164)
Un Américain de 70 ans se trouve ici pour un deuxième séjour prolongé. Il est le premier, dit-il, à avoir traduit 3000 mots de hamer en anglais, mais ne parlant pas vraiment la langue, il se penche maintenant sur la grammaire.
En fait, il va probablement rester ici et y acquérir ou faire construire une maison. S’il y tient vraiment, je lui recommanderais d’en prendre une avec douche et prises électriques. Ici, il faut attendre 18 heures et amener appareils au bar pour recharger.
Mis à part ces considérations d’ordre « hydro et lectrique », je pense que, là encore, les locaux voient le gugus idéal pour pomper du fric sans se fouler un pouce.
J’en juge par le gamin qui, le matin, tente de lui soutirer quelque somme et, à défaut, d’utiliser son téléphone ; la femme qui, le soir, lui exprime son envie de se marier et d’obtenir une voiture pour être la deuxième de la gent féminine à conduire au village ; cette autre, plus âgée, trop paresseuse pour cuisiner qui souhaiterait partager son petit-déjeuner, alors qu’il a acheté 200 kg de sorgho à la famille (à laquelle il a également assuré des soin à l’hôpital en cas de besoin) ; et toute cette cour qui, ici et là, s’agite autour de lui.
Il avait un ami claudiquant ici, qui, apparemment souvent ivre et quémandeur, s’est fait fracasser sa jambe folle puis la tête à coup d’une immense caillasse, au détour d’un chemin à Dimeka, l’année passée.
Nous sommes dans le berceau de l’humanité, celui de la préhistoire, et ils n’en sont pas encore tous sortis.
Hanna retourne sur Arba Minch avec Iuji. Elle est indécise quant à sa route vers le Kenya et veut s’occuper du visa et du vol qui, plus tard, l’emmènera vers un autre continent, probablement l’Amérique du Sud.
27.11.2013
Je dois retrouver Bettina, avec son groupe, demain à Key Afer. Je m’avance donc jusque là-bas, et m’allonge afin d’étouffer dans l’œuf une crève qui s’annonce depuis quelques jours. Le nez, la gorge pris et aujourd’hui, alors que ces deux-là se sont calmés, ce sont le ventre et les courbatures.
28-29.11.2013
Un nouveau petit tour sur le marché de Key Afer, entouré de gamins (et autres) alors que j’esquisse quelques croquis.
Puis j’attends Bettina et son groupe ; Fanuaille, son guide local, me téléphone et m’annonce une panne donc 2 bonnes heures de retard.
Je prends mon mal en patience et les retrouve finalement en début d’après-midi.
Nous filons alors directement sur Jinka, puis de là, chez les Mursis, dont j’ai encore entendu parler ce matin…à propos du harcèlement.
Le village que nous retrouvons se trouve à deux heures de Jinka et n’est donc pas le plus visité. C’est un avantage.
En outre, nous y passons la nuit, privilège organisé par l’agence avec laquelle travaille Bettina ici, ce qui fait que finalement, c’est chez les Mursis que je trouve le moins d’harcèlement.
Ceux-ci, semi-nomades en périphérie du Parc national de Mago, sont l’un des derniers peuples africains où vivent les femmes à plateau.
La mise en place de l’ornement labial inférieur intervient dès l’enfance. Une fois extraites les incisives inférieures, car cela serait gênant et douloureux, la lèvre est perforée et une cheville de bois mise en place. L’espace est ensuite agrandi peu à peu par l’introduction de cylindres de plus en plus grands. (166) (167)
Cependant pas d’excision ici.
Selon certains, le but de cette pratique aurait été de rendre les femmes indésirables afin de les protéger des razzias esclavagistes. (168)
Mais ce serait plus probablement le fait de la caste, élevée, de certaines femmes.
La taille du plateau se mesure à la dot exigée par la famille de la jeune fille. Plus elle demande de chèvres et de vaches (et maintenant généralement une arme à feu), plus le plateau se doit d’être conséquent.
Son port, non permanent, se limite aux rencontres importantes, officielles, ou celle, ponctuelles de touristes.
Les Surmas pratiquent également cette coutume.
Autres parures des femmes mursis, à l’instar des hommes d’ailleurs (qui, pour certains, se rasent entièrement, signe d'élégance), les disques dans les oreilles percées, les colliers, perles et scarifications, sur les bras, la poitrine ou le ventre. (169) (170)
Chez les hommes, elles correspondent à un acte de bravoure, inspirant le respect.
Lors du donga, tournoi ayant lieu à la fin de la saison des pluies, les jeunes célibataires prouvent leur courage devant la tribu, à l’aide de perches de forme phallique.
Ils s’affrontent alors, s’efforçant de donner une correction sévère aux rivaux, sans le tuer, ce qui serait formellement puni. Le vainqueur, porté en triomphe devant un parterre de jeunes filles trouve ainsi son épouse.
Les Mursis vivent en symbiose avec l'environnement, et ont peu d'interactions avec les autres peuples de la région. Farouches guerriers, ils combattent vol de bétail et razzias de femmes à coup de lance et de kalachnikov.
Regroupés dans des villages éloignés des rives marécageuses de la rivière Omo, ils ne laissent s'abreuver leur troupeau à la rivière que
si nécessaire, afin de limiter les problèmes dûs à la maladie du sommeil, causée par la mouche tsé-tsé.
Au petit matin, Melisha, le chef du village, jeune homme de 30 ans, parle de son peuple et de son village, sur fond de cases en chaume, où discutent de vieilles femmes et chahutent les enfants. (171) (172) (173) (174) (178)
Il représente une exception. Respecté, à l’instar de son frère qui, curieux, a réussi par la fréquentation de missions et organisations diverses, à se faire cinéaste (et filmer son peuple, témoignage qui l’amène dans le monde entier), il parle bien anglais et tente d’instaurer un lien entre sa culture et le modernisme, afin d’éviter un développement nuisible.
La piste se développe, qui mène au village, plantations de canne à sucre oblige, et il ne faudrait pas qu’elle prenne trop d’ampleur sur la région. (175)
Le terme de la visite est un peu plus mouvementé, avec la vente des ornements buccaux, ces plateaux d’argile, par femmes et enfants, tandis que posent les guerriers et fusent les photos. (176) (177)
Mais le déplacement a valu le coup, la nuit à la belle étoile superbe malgré qu’elle a été courte et quelque peu agité…j’ai goûté une petite tasse d’hydromel local, alors que j’allais mieux. Colossale erreur ! Elle se remémore à moi toute la journée.
Je quitte le groupe là où je l’ai trouvé, à Key Afer, et réussis à gagner Arba Minch en 4 bonnes heures, un pick up confortable jusqu’à Konso, puis un minibus, jusqu’à l’hôtel s’il vous plaît !
30.11.2013
J’ai récupéré cette nuit, même si celle-ci a été interrompue à plusieurs reprises ! Un Chinois qui essayait d’ouvrir ma porte. Il s’est apparemment trompé de chambre. Mais se marrait, cet abruti. Et le prêtre orthodoxe qui n’avait pas eu sa piqûre. Il récitait et chantait ses prêches à tue-tête au micro. Le lavage de cerveaux fonctionne à merveille !!
Un petit-déjeuner que je n’évacue pas aussi promptement et une journée à vaquer…glander en d’autres termes. J’ai choisi un hôtel correct, avec grand jardin, restaurant, Internet quand cela fonctionne.
Je rends visite au coiffeur voisin. J’hésite mais cela reste, pour moi, une habitude de voyage. Je rends toujours visite à un coupe-tif.
Et celui-ci, peut-être après avoir vu mon hésitation, me soigne. Faute de ruban pour le cou, il utilise du papier toilette, papier dont il me bourre également les oreilles, probablement pour éviter l’infiltration des cheveux lors de la tonte.
Car il dispose de plusieurs tondeuses soigneusement rangées devant lui dans un réceptacle.
Cela dégage sec mais le résultat me convient. (179)
01.12.2013
Je poursuis mon rythme « pépère ». Après un petit-déjeuner pas trop matinal, mais sans dik-dik (petite antilope) à ma table - hier, elle s’est approchée si près que je lui ai caressé le museau -, et tour sur le marché local, je gagne l’aéroport en début d’après-midi. (180)
Le vol pour Addis est reporté d’une heure. Je n’avais pas encore de numéro de portable lors de l’achat des billets, sinon j’aurais été averti, m’assure-t-on.
La machine à scanner les bagages a ses règles, alors le contrôle, sac de jour et grand sac s’effectue à vue ! Aïe aïe aïe ! La fonctionnaire me met la pagaille là-dedans.
Vérification zélée, idiote en tout cas, car ils ne s’aperçoivent généralement pas de la présence de toutes les poches.
Je note dans les toilettes du restaurant la présence de condoms à discrétion. J’avais déjà constaté cela dans certaines chambres de l’hôtel de Turmi. Très bonne mesure selon moi, même si en l’occurrence je m’interroge sur leur utilisation immédiate ici !
02.12.2013
Dernier jour en Ethiopie, dernier jour à Addis, avec une température un peu plus fraîche, surtout en matinée, ce qui permet une transition avant le retour vers le tard automne européen.
Je décide, après confirmation de vol, achat de quelques présents et envoi de cartes postales, de gagner Entoto, le quartier des hauteurs de la ville.
Il ne me faut pas moins de 4 bus (ou minibus) pour y arriver. Mais je m’aperçois qu’à Addis, où je me suis efforcé de rester le moins possible, on est beaucoup moins enquiquiné que dans le reste du pays. La prévenance est de mise mais les gens y sont plus enclins à aider, à renseigner, sans aussitôt quémander ou me tenir la jambe indéfiniment.
Entoto est en effervescence, apparemment a lieu aujourd’hui une cérémonie religieuse en l’honneur de Saint-Georges (l’occasion de boire une Saint-Georges beer !). (182) (183)
Ceci dit, rien de bien transcendant là-haut. Même la vue sur la ville, but de ma démarche, ne casse pas 3 pattes à un canard.
Quant au palais de Ménélik II et Madame, Taytu de son petit nom, fait pâle figure à côté d’un mas provençal.
Mais je ne regrette pas ma journée, elle reste réussie et, de plus, ensoleillée encore une fois.
En redescendant, je discute avec un « professionnel » des médias, très avide d’en connaître davantage sur les nouveaux moyens d’information et de communication.
Il m’explique au passage que le(s) dirigeant(s) actuel(s) ne sont pas à la hauteur, comparant la situation, qu’il juge chaotique, à l’époque thermidorienne de la France !
Et, pour mon départ, un passage chez le cireur de pompes, qui s’applique en me rajoutant une crème. Avec cela, je devrais passer les contrôles aéroportuaires sans encombre !!
Mon séjour en Ethiopie touche à sa fin. Instructif et pas routinier.
Des paysages de montagne en partie époustouflants et méconnus, alors que le sens commun y voit plutôt un désert aride.
Une culture variée, forte de son histoire, remontant, selon la légende, jusqu’au roi Salomon.
Un pays fier d’être l’unique état africain à ne pas avoir été colonisé, même si occupé à deux reprises.
Des marchés colorés vers lesquels parfois convergent les ethnies diverses peuplant les villages des alentours.
Une culture du café qui remonte aux origines.
Une compagnie aérienne plutôt ponctuelle et des transports aux chauffeurs prudents. L’infrastructure routière se révèle d’ailleurs beaucoup plus avancée que ce que l’on en sait, elle s’y est apparemment bien développée ces dernières années, mis à part quelques portions. Restent les bords de route à fignoler.
Mais également une déception d’un point de vue humain.
Des gens pas particulièrement attachants. Souvent harcelants, agressifs parfois, volontiers menteurs si cela peut rapporter, pas voleurs mais arnaqueurs, motivés du matin au soir par l’argent, ou, en disposant, peu ouverts sur l’extérieur, sur l’échange spirituel, intellectuel ou de quelque ordre que ce soit.
Une sorte de concentré de clichés sur l’Africain.
C’est certainement possible d’éviter cela, si l’on ne se mélange pas ou se maintient peut-être dans une sphère privilégiée. Mais où est alors l’intérêt ?
Les voyages de groupe avec guide protègent probablement de cette pagaille et laissent des souvenirs impérissables. Mais ce n’est pas la face réelle. Un peu comme ces politiques qui racontent un pays en se mouvant uniquement parmi l’élite économique ou intellectuelle, sans jamais avoir le moindre contact avec la population.
La palme revient à Lalibela et au pays hamer. Addis, même si en soit moins charmante, fait peut-être exception.
Voilà, une expérience malgré tout intéressante que je ne suis cependant pas sûr de vouloir renouveler. Même la beauté de certaines femmes, un sacré mélange, ne compense pas les désagréments (auxquels elles peuvent d’ailleurs contribuer).
Je suis venu, j’ai vu et ça suffat peut-être comme ci.